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Strulpture

une introduction

Les strulptures déploient des interstices, petits espaces vides dans une substance ou entre différents éléments : il s’agit de déterminer leur potentiel à rester ouvertes sur d’autres espaces non immédiatement perceptibles. Conformément à notre démarche, ne cherchant pas ailleurs que ce qui fait la richesse du présent saturé par les entreprises commerciales, nous nommons notre système de production « entre-prise » : du vide aux choses, des choses à l’espace. Nous renouons avec la nécessité de fendre les mots et fendre le réel pour l’ouvrir. L’entre-prise met en place ces strulptures - espaces intercalaires - reposant sur un travail en situation, en imaginant une pièce dans un contexte qu’elle intègre et repense, évitant la superposition ou l’importation indifférente qui serait sans considération particulière pour l’espace qui reçoit.

Avec une strulpture, on ne se tient ni tout à fait face, ni tout à fait dans. C’est qu’elle se situe elle-même entre un espace sculptural et un espace architectural – l’entre d’où lui vient son nom. Il s’agit d’explorer un ensemble de processus qui le sont difficilement par la sculpture comme par l’architecture. Bien que les strulptures se proposent d’explorer des régions de l’espace inusuelles, y compris du point de vue du partage traditionnel des arts, il n’est cependant pas question d’ériger un espace idéal soustrait aux lieux, tout au plus pourrions nous invoquer l’idéalité de tel ou tel lieu, dès lors qu’investi par une strulpture : chaque strulpture possède son originalité d’après l’espace avec lequel elle recompose l’émergence de cet espace, et prend sens par la réflexion engagée sur notre être au monde (ni tout à fait face, ni tout à fait dans (…).

Notre rapport à l’espace est le plus souvent circonscrit par la tendance à le saisir dans un rapport de contenant à contenu. Si l’architecture et la sculpture interrogent ces déterminations, sans toutefois les remettre en question, une strulpture s’efforce au contraire de passer-entre en envisageant l’espace d’avant sa division en contenant et contenu. C'est-à-dire atteindre ce temps de l’espace où il émerge lui-même avant que nous n’y prenions place et y adoptions nos postures. L’opérateur fondamental que met en œuvre une strulpture, pour cette émergence, opérateur où se lient temps et espace ainsi que matière et dynamisme, est le rythme(…).

Les matériaux de l’œuvre sont minimaux. Il s’agit de composer avec le simple, avec des différences élémentaires naturelles et vitales qui nous ouvrent à une réalité de l’espace qui ne soit pas seulement expérimentable dans la relation contenant/contenu, et à une réalité du temps qui creuse les différences plutôt qu’il ne constitue des identités substantielles. Le recours à des matériaux permettant la mise en œuvre de ces différences naturelles fixe une mesure : de notre être aux choses et réciproquement, des choses à notre être. Cette mesure intervient déjà au moment de la création de la strulpture, non pas comme fruit d’une volonté de maîtrise, mais bien plutôt comme quête du seuil de notre maîtrise sur les choses ; là où ne se dévoile pas seulement l’activité créatrice, mais là où les matériaux laissent la possibilité d’un dialogue(…).

X.R


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