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À partir de la Terre, Grande Oubliée du présent qui nous porte, dont nous sommes faits, je construis - à la recherche d’un doux équilibre : là où se joignent les contraires.

Trouver la simple forme depuis ce que l’on nomme néant ou vide ou Mâ. Espace entre les choses, trou noir, silence ? je ne sais - mais qui tant ressemble à kurokô lui qui fait la pièce se tenir.

Chose omniprésente ou bien absente, hors et dans le bâti de nos êtres, d’où sourd Amour, Élan d'où paraît l’idée, la forme, l’objet.

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Fondamentalement, je le crois, je n’ai pas d’idées; celles-là même qui tombent d’on ne sait où, vous foudroient d’un coup sec et vous sortent d’une longue sieste vous faisant dire: “je l’ai!“.

A l’intérieur de l’enceinte constituée par mon corps, un ensemble magmatique où des impressions nageant dans le vague incorporé, peuvent s’entrechoquer parfois à la manière de deux silex et faire sourdre une étincelle. Une idée me dira t-on? Peut-être, oui, mais du genre de celle qui fuit aussi sec! Et de nouveau ce bouillon interstellaire au dedans-dehors de sa structure osseuse, enveloppé d’une peau qui prend de l’âge. Et toujours rien à dire. Sans idée.

Pourtant, une grande excitation m’agite. Et mes mains sans cesse réclament : Faire! Mais quoi? Je leur réponds que Faire est un acte compliqué quand il n’y pas l’Idée. Elles de rire: Faire! Après, on verra! Et de me tirer le poil me rabachant qu’il n’y a là rien d’extraordinaire, rien d’autre qu’un geste supplémentaire, une couche surajoutée, une brique après l’autre; qu’il me suffit de regarder les Strates Géologiques qui savent y faire, elles, jour-siècles après jour-siècles! D’entendre comme se déploie à notre insu la Terre, de peu en peu, de presque-rien à l’invisible ébullition. Alors?

Et puis j’aime aussi cela : évoluer à proximité du début des phénomènes*. Et me sens quelques connivences avec ce faire-ouvrier; l’inexorable pétrissage de ces infimes femmes de l’Inde Fantôme**, pour former des pavés séchés à même l’oeil solaire. Et ces autres qui jadis ont moulé, sur le demi cylindre de leurs cuisses, ces hauts tuilages de nos maisons.

Désir d’espace, désir de Terre: strulptures.
Il m’est difficile cependant de faire grand - d’où tirerai-je assez de forces pour en soulever ne serait-ce qu’un bout? Je plie déjà à ne porter qu’une brique - alors tout un espace... A mon bureau, voilà que je réfléchis dur; mes mains elles, se balladent sur une tranquille feuille de papier et me raillent: pas d’idées, que du papier; et bien quoi? Plier, rouler! Après, on verra! Et puis d’elles-mêmes, les Choses s’agencent, se construisent et de presque rien, une plate et fine blanche feuille - des strulptures! Ces espaces qui font que jamais ne sais si je me trouve face à quelque chose ou dans. Rien n’aura été plus simple que ne pas choisir et me laisser en ce sentiment d’indistinction délimitée - vide pourvoyeur.

Désir de choses aussi: sculptures.
Que chaque jour la main puisse sentir, l’oeil agencer, car les Grandes - Strulpturées - ne sortent qu’un temps, celui de l’événement, et s’en vont, en des cartons rangées, grossir les murs de l’atelier, plongées en un mutisme élémentaire! Avec le grand et le petit - bâtir. Et cette terre que j’avais un instant oubliée? Plongée en le carré cosmique: voici que les mains pensantes m’attèlent à nouveau avec en la chair une mémoire intensible.

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Le cri nouveau d’un être qui vient à n’être

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Etre là, à la croisée des contraires, au milieu d'un silence qui fait se taire la raison, ravivant une intensité brutale où tout ce qui fait corps transverse

Et tordre la main moderne qui brandit en trophée les marbres, les plastiques, les aciers, les bois - leurs atomes - comme des choses sans âme, sans coeur ni larmes, devant l'oeil hagard et glouton que les mystères de ce monde n'accablent plus

Et rendre leur sang sacré aux ancêtres balayés

rendre à la Terre son fluide mystique

et vaciller, aux creux de leurs artères, comme au sein de ces sanctuaires où se manifeste, toujours renaissant, le souffle des pierres versant nos chairs terreuses pour une transe oubliée

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Un ami m'offre en cadeau une boîte de gâteaux. Y est inscrit : FUKIYOSE - une composition sans composition, selon comment le vent organise les choses

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Ecrire avec ce sang transparent qu'est la sueur de la main pensante

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Miment mes mains la machine
Mimeraient-elles encore seulement ?
Papier plié main machine - mais voilà, machine de chair et non d'acier - papier machine main pliée et les mains cassées, je ferai - quoi ?

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La toute plate, légère, si fragile inflige son coup à mon poignet.
Pliez la plate, pliera-t'elle en retour ! Et c'est tout moi qui ploie, la frousse de recommencer !

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Serait-ce que je tiens en équilibre entre ces strulptures dont le sens échappe à la maîtrise ? Et puis quoi ! jouissif que de fendre un terme, pour y faire entrer librement, avec souplesse, toutes les fantaisies, l’intimité du monde et de soi !

Il fallait se dégager du poids de la sculpture, de sa lourde histoire ; du mot marqué - en profondeur - à la pointe du scalpel. Cependant, à travers elle, toujours je songe et divague. Et comme par ironie, revenant au monde social, je me présente à lui dans la veste du sculpteur, évitant ainsi bien des détours. Quant à la structure, avec précaution je l’approche. Une implacable façade m’empêche d’entrer et m’emparer du terme. Quelque part trop cohérente, trop bâtie, trop architecturée et puis soumise à l’analyse. Manque la faille par laquelle s’infiltre l’éclair filant chercher la beauté intime de la matière.

Alors comme une aube, un crépuscule, les strulptures se meuvent, espèces intercalaires, imprégnées de leurs extrémités - parfois l’une plus, parfois plus l’autre - selon les situations, pour se retrouver enfin en cet instant fragile où la Nature même, baignée d’une magie traversante, transverse